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Bourses Expé by Cabesto 2023

récit d'expédition [lauréats BOURSES 2015]

Una primea real

Première expédition en haute altitude

pérou/bolivie, 28 mai au 14 juillet 2015

BLOG

 

L'ÉQUIPE

 

Emile Dupin

Ingénieur Centralien Lyon,

25 ans, Passy 74

 

Antoine Rolle

Etudiant,

24 ans, Peymeinade 06

 

 

 

Projet original

L’objectif d’origine était de réaliser notre première expédition en haute altitude en cordillère Huayhuash au Pérou. Notre but était de réaliser la première ascension de la voie Simpson-Yates au Siula Grande (6344m) et d’ouvrir des voies dans des faces vierges, l’une sur le versant ouest du Quesillo (5600m) et l’autre en face ouest du Huaraca (5537m).

Projet revu

Suite à des informations reçues avant le départ, des guides qui étaient déjà sur place, nous avons décidé de changer de massif et d’aller bien plus au sud des Andes, en Bolivie. En effet, le phénomène El Nino ayant été assez actif cette année, les conditions météorologiques et nivologiques étaient mauvaises, voire dangereuses. Nous avons préféré descendre chercher un temps correct et de bonnes conditions de neige plutôt que conserver l’objectif d’origine et rester bloqués au camp sous la neige.

Le nouvel objectif que nous nous étions fixés était de réaliser une ouverture dans la face sud de l’Illimani, superbe sommet culminant à 6438m au sud de la cordillère Real.

Résumé des résultats obtenus

Pour des raisons qui seront expliquées par la suite, nous avons dû changer complètement de massif et aller en Bolivie. Toutefois, les résultats obtenus sont comparables à ceux que nous visions à l’origine.

Nous avons réalisé l’ascension du Condoriri (5648m), du Huana Potosi (6088m), et surtout, nous avons réussi l’ouverture d’une voie en face sud du Mururata (5871m). Cette voie en neige/glace fait 750m pour une cotation globale de TD+.

Nous voulions également ouvrir une ligne en face sud de l’Illimani (6438m), mais nous n’avons pu réaliser cet objectif pour des raisons de maladie, puis de météo.

Compte rendu

La semaine avant le départ, nous étions fin prêts, matériel, cartes, topos… et motivation énorme, tout était rassemblé pour partir en cordillère Huayhuash. Jusqu’à ce qu’Antoine reçoive de fraiches, et mauvaises, nouvelles de la part de Damien Tomasi. Celui-ci était au Pérou, coincé à Huaraz par le mauvais temps, et d’après lui la situation n’allait pas s’améliorer, le phénomène el Nino était actif cet année ce qui perturbait fortement les conditions météorologiques au nord des Andes. Après un court instant de désarroi, nous nous sommes remis en selle et avons cherché d’autres possibilités plus au sud des Andes. Nous avons finalement opté pour la Bolivie, la peu médiatique cordillère Real paraissait regorger de possibilités en haute altitude comme nous le voulions à la base, et surtout le temps paraissait y être bien plus stable qu’au Pérou. Avec un tel changement de plan, un de ceux qui font aussi le charme du voyage, nous avions déjà l’impression d’être partis pour La Paz. Nous étions déjà dans le bus qui devait nous mener à quelques 1600 km au sud de Lima, notre ville d’arrivée.

Après s’être posés au Pérou et avoir trouvé un bus, nous avons longé la côte, traversé l’Altiplano, passé la frontière au lac Titicaca, pour enfin venir buter sur la gigantesque cuvette où se niche la Paz. Au bout de trente longues, mais superbes, heures de route nous sommes enfin arrivés à destination, l’acclimatation pouvait commencer. Quelques jours de repos, de découvertes, et de rencontres plus tard, nous montions au Chacaltaya (5395m) pour faire notre premier petit sommet et découvrir la sensation d’altitude.

A la descente, au son des flutes de pan sortant de la radio de notre taxi, nous avons enfin vu notre premier troupeau de lamas. Cela peut faire un peu cliché, mais la culture bolivienne est vraiment très préservée, et les boliviens sont très fiers de leur patrimoine andin. Nous avons vite remarqué dans la pause qui a suivi, et au cours de toutes les autres, qu’au cœur de la capitale, les Boliviennes s’habillent encore de façon traditionnelle.

Nous sommes ensuite allés pour trois jours dans le massif du Condoriri pour poursuivre notre montée en altitude. Le premier jour, nous sommes montés établir notre camp aux abords d’un lac. Situé à 4700m, et entouré de nombreux sommets de toutes difficultés, entre 5400m et 5650m, qui font déjà bien haute montagne, c’est un point idéal pour effectuer l’acclimatation. Le lendemain, nous avons fait le Condoriri (5648m) qui s’atteint par une superbe arête neigeuse. Malgré la relative facilité de la course, les mille mètres de dénivelé de la montée se sont fait sentir à cette altitude, le souffle était court au sommet, et il a fallu garder toute notre lucidité pour redescendre sur le glacier puis à la tente où une bonne sieste fut bienvenue.

Le jour suivant, nous avons fait un sommet plus petit, le pic des Autrichiens (5300m). Mais même en étant bien plus bas que la veille, nous nous sommes aperçus que l’effort de la veille se faisait encore sentir. Quand on commence à être dans le rouge là-haut, on ne récupère pas réellement tant qu’on n’est pas redescendu à une altitude raisonnable.

Revenus à la Paz, nous avons planifié notre premier 6000, le Huayna Potosi, puis nous nous sommes reposés et baladés. Dans le centre, nous avons découvert les rues commerçantes de la Paz, rassemblées par thème : quartier des fruits, de l’électronique, de la quincaillerie,… Tout se trouve là-bas, il suffit de connaitre la bonne rue. Sur l’Alto, banlieue vraiment propre à la Paz qui se situe en haut de la cuvette, sur l’Altiplano, nous nous sommes promenés au gré de l’animation des rues. Cette partie de la ville est pauvre, faite de bric et de broc, découpée par de larges avenues sèches, désertiques, ou bondées le week-end, lors de la féria du dimanche, ou lorsqu’un concert s’installe en pleine rue.

Les batteries bien rechargées, nous sommes montés au pied du Huayna Potosi pour effectuer son ascension en deux jours. Le premier, nous sommes montés jusqu’au camp des Argentins, qui se situe sur un replat à 5400m, pour établir un bivouac confortable mais très froid. Le lendemain, nous sommes allés jusqu’au sommet puis redescendus pour retourner à la Paz. Malgré la fréquentation du sommet, nous étions très heureux de faire notre premier 6000, et cette montée sur deux jours nous a permis de bien nous acclimater.

Comme les fois précédentes, nous avions besoin d’un peu de repos avant de remonter. Nous avons donc pris quelques jours de détente, de plus nous hésitions sur la tactique à suivre : aller directement à l’Illimani, ou faire un dernier sommet pour être fin prêts. Nous avons finalement choisi de partir d’abord pour la face sud du Mururata. Aldo Riveros (président de l’association des guides boliviens) nous avait montré une photo, prise quelques jours avant, montrant que la face était en bonnes conditions, et laissant deviner une ligne à ouvrir. Le sommet plat du Mururata permettait aussi de faire une nuit à plus de 5800m ce qui était parfait pour préparer l’Illimani.

Cette face étant isolée et très peu fréquentée, nous disposions seulement d’une description floue de l’approche faite par Aldo, qui y était allé quinze ans auparavant. Nous avons donc cherché, en se basant sur ses infos, grâce à nos cartes et à Google Earth, un cheminement pour aller au pied de la face. Nous sommes partis en direction de Tres Rios avec une voiture, avant d’atteindre le village. Nous nous sommes fait poser dans la vallée du rio Khuchuchani. Nous l’avons remonté en rive gauche pour rejoindre l’épaule séparant cette vallée de celle au nord qui mène au pied de la face. Une fois basculés dans la bonne vallée, nous avons traversé à flanc au-dessus d’une succession de lacs et de cascades superbes pour rejoindre le lac Arkhata (4900m) et monter notre bivouac au pied du Mururata. Après une nuit froide et humide, la brume s’était dissipée et nous avons pu rejoindre facilement le pied de la face. La voie que nous avions imaginée semblait être en bonnes conditions, après avoir remonté les deux premières longueurs communes à la voie Riveros nous avons donc bifurqué vers la droite pour rejoindre la ligne que nous avions repérée. Il s’agit d’une ligne évidente remontant un système de cascades reliées par des pentes de neige. La voie s’est avérée un peu plus dure que prévu, à la fois techniquement à cause de la glace qui était très aérée et délicate à grimper, mais aussi physiquement à cause des grandes quantités de neige qui nous ont obligés à brasser avec la neige entre les genoux et la taille dans des pentes à 60° à plus de 5500m d’altitude ! Qui plus est nous étions partis dans de bonnes conditions, mais le vent et le mauvais temps se sont levés au cours de l’ascension. Nous avons fait les 150/200 derniers mètres dans la tempête de neige et les spindrifts, pour arriver au sommet battu par le vent dans une ambiance surréaliste, seuls au monde, à la limite du nuage qui nous en avait fait baver toute la fin de journée. Le vent étant bien trop fort, nous sommes redescendus d’une cinquantaine de mètres pour terrasser une plateforme et enfin se reposer sous la tente. Avec le vent, et l’humidité, la nuit fut mauvaise, mais au lever le soleil était revenu et nous avons pu plier tranquillement le bivouac et attaquer la descente du glacier. Nous étions encore seul sur cet immense glacier, seules quelques vieilles traces de skis partaient du sommet, ensuite plus rien. Mais nous avions bien repéré le chemin à suivre en préparant la course, nous avons donc fini par atteindre l’arête rocheuse permettant de basculer sur la mine Kantutani sans encombre. Une fois les crampons retirés, la descente dans la vallée au milieu des lamas était encore bien longue. Quel plaisir de retrouver, après une grosse journée de marche, la voiture qui devait nous ramener à la Paz, fatigués mais heureux d’avoir ouvert notre première voie en altitude !

 

Nous nous sommes vraiment bien sentis dans les difficultés techniques de la face sud du Mururata, et celles-ci se situaient approximativement à la même altitude que ce que nous devions rencontrer à l’Illimani, nous étions donc rassurés, et extrêmement motivés pour notre gros projet : une superbe arête vierge sur le côté gauche de la face sud de l’Illimani. Nous avons passé quelques jours à nous reposer et à planifier le départ pour ce sommet. Après avoir fait des pieds et des mains pour trouver une personne acceptant de nous emmener au pied de la face, dont l’accès se fait par l’ancienne route minière très dangereuse, finalement c’est Aldo qui nous rendra encore une fois un grand service en nous faisant la navette. Deux jours plus tard, nous étions en route pour cette face sauvage.

Pour rejoindre la mine Mesa Khala qui se trouve au pied de la face, et de laquelle on démarre l’approche, il faut compter 5h de route. Tout d’abord, de la Paz on descend la vallée vers le sud, puis on remonte sur les plateaux pour passer par Cohoni et continuer la route jusqu’à la la mine Urania. A ce niveau on attaque le sentier qui monte dans le cirque sous le versant sud de l’Illimani, cette ancienne route minière est très accidentée, il vaut mieux y monter avec un 4X4 qui tient la route, elle se finit au niveau de la mine Mesa Khala qui se situe à 4700m d’altitude. Après cette longue route, Emile se sentait mal à la sortie de la voiture, nous avons donc fait une pause à la mine avec Aldo avant qu’il ne redescende. L’heure commençant à tourner, nous avons quand même du attaquer l’approche, malgré l’état d’Emile, pour arriver avant la nuit au bivouac. La remontée de la moraine jusqu’au pied du glacier à environ 5200m/5300m fut très difficile pour Emile vu son état et le poids des sacs. Malgré tout on a quand même fini par atteindre l’attaque du glacier et trouver une terrasse confortable pour s’installer avant la nuit. Mais au réveil Emile se sentait encore plus mal que la veille, il n’arrivait pas à faire trois pas sans être pris de nausées. Arrivés au pied du couloir d’attaque que nous avions repéré, nous avons fait une pause et le point sur la situation. Emile se sentant vraiment malade, nous avons finalement pris la difficile décision de faire demi-tour au pied de l’objectif. La perspective de passer deux ou trois jour dans cette face, avec l’altitude qui allait accentuer la maladie, paraissait déraisonnable. Au final, c’était une salmonellose qui couvait, nous avons bien fait de faire demi-tour, cela ne se serait pas amélioré en montant, sans aucun médicament adapté. La redescente à la mine, puis au village de mineurs, fut un vrai calvaire, 1400m de dénivelé, malade, avec des sacs très lourds, l’arrivée dans le tout petit hameau était un soulagement. Il n’y avait plus à marcher, mais nous avons attendu le bus pour la Paz pendant plusieurs heures, sujets de curiosité des enfants du village qui nous ont harcelés de questions, fascinés par ces deux extra-terrestres avec tout leur barda de montagne. Ce versant étant hors des sentiers battus, à tort, le cirque sud de l’Illimani est exceptionnel, ils n’avaient pas ou peu eu l’occasion de voir des alpinistes. Un peu avant la nuit, le bus finit par arriver, nous nous y sommes installés, contents d’avoir de la place à l’arrière, mais cela n’allait pas durer. A chaque village, voire même au milieu de nulle part, le bus s’arrêtait pour ramasser des agriculteurs qui descendaient sur la Paz pour vendre leur récolte. Nous avons fini le trajet entassés au milieu des ballots de céréales, mais la fatigue aidant, cela ne nous a pas empêchés de dormir et de ne nous réveiller qu’à minuit, arrivés à la Paz.

 

Cette fois ci une bonne semaine de repos était nécessaire pour qu’Emile soit au moins un peu guéri avant de repartir. Malheureusement, lorsqu’il a commencé à se ressentir un peu d’attaque, et après être allés tester l’état de forme sur la falaise d’Aranjuez, qui se trouve à la Paz même, le mauvais temps et le vent se sont installés sur les sommets. Il allait durer jusque quatre jours avant la date de départ, il fallait que la face se purge, compter deux jours pour aller à Lima, bref nous n’avions plus l’espoir d’avoir un créneau de dernière minute. Nous avons donc décidé de remonter au Pérou pour au moins grimper pendant cette dernière semaine. Sur l’altiplano, dans le bus qui partait de la Paz, nous étions tous les deux émus et silencieux, les yeux rivés sur la cordillère Real que nous voyions s’éloigner, le projet de faire l’Illimani qui s’envolait.

Nous sommes allés à Yuracmayo, une superbe falaise à l’ouest de Lima, profiter de nos derniers jours. Le cadre était extraordinaire, la falaise est posée, à 4600m, sur un beau plateau qui sert de pâturage aux vaches des deux bergers installés là-haut. Une petite rivière coule au pied, le bivouac sur la prairie est très confortable, le rocher est un calcaire d’altitude exceptionnel, le cadre était super pour finir notre voyage.

Après ces quelques jours de grimpe, les doigts bien broutés, nous sommes redescendus sur la Paz boire quelques bières avant notre départ.

Malgré le but que nous avons pris, cette première expé était une expérience extraordinaire. Nous avons découvert le milieu de la très haute altitude, et quand même ouvert une belle voie sur une très jolie face. Nous avons appris comment envisager un tel projet et en revenons riches d’enseignement pour la prochaine expédition. Nous avons bien mené notre acclimatation et nos ascensions, mais cette expérience permettra d’être encore plus efficaces les prochaines fois. Nous connaissons maintenant notre réaction en altitude, et surtout nous avons vu, même si on le pensait, que nous sommes à même d’envisager des projets d’envergure. En dehors de l’aspect sportif, nous avons découvert un pays et une culture uniques. Le temps que nous avons passé à la Paz et dans les villages, nous a permis de découvrir la population bolivienne à la culture, la gentillesse, et l’honnêteté extraordinaires. Malgré notre statut de touristes européens, nous ne nous sommes pas sentis harcelés, et ce même dans les quartiers pauvres de la Paz sur l’Altiplano. Cela change par rapport à d’autres régions du monde. Et cela n’est pas seulement dû à un tourisme encore relativement limité. Idem dans tous nos contacts avec les guides locaux, le fait d’être seuls et autonomes n’a jamais été source de tension, bien au contraire. Nous avons pu discuter avec eux, ils étaient plutôt curieux de ce que nous faisions, les cordées autonomes n’étant pas légion en Bolivie.

Enfin l’échec au pied de l’objectif qui nous faisait rêver apprend à relativiser la pratique de la montagne, et les légers désagréments occasionnels lorsqu’on rentre à la maison. Rien n’est grave, nous avons pris la bonne décision. Il faudra juste y repartir !!

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